Pas rassasié mais contenté du chemin parcouru
Un de mes amis a fêté ses 60 ans cette année. Il me dit, «À partir de maintenant, je compte à l’envers… Je compte les années qui me restent à vivre, plutôt que de penser à celles que j’ai accumulées».
Sur le coup, je trouvais le réflexe un peu fataliste. Mais au retour à la maison, dans la voiture, je me suis à ressentir l’urgence de vivre. Car, malgré leurs bonnes habitudes de vie et conditions athlétiques, Mike Bossy, Guy Lafleur, Jean-Marc Vallée et Wayne Dyer sont tous partis trop tôt. Même si je me vois âgé de plus de 90 ans, toujours professionnellement actif… qui sait?
Personne ne peut savoir à quel âge notre aventure va se terminer. Si on se fie à l’espérance de vie publiée par les bureaux de statistiques, cela permet d’avoir une certaine perspective. Quiconque aime la vie souhaite que ça se poursuive le plus longtemps possible, dans les meilleures conditions possibles.
Mais au-delà du simple instinct de survie et d’amour de la vie, ce nouveau réflexe de «compter à l’envers » m’a amené autant d’anxiété que de calme. D’abord, parce que je n’ai pas «terminé». Je ne veux rien laisser derrière. C’est-à-dire, du point de vue de mes rêves et ambitions, je veux quitter avec pas une seule goutte de jus dans le fruit. Réaliser un documentaire, écrire et voir naître sur Netflix deux de mes scénarios de film, terminer mon roman d’inspiration… La liste n’est pas si longue, mais elle prend du temps, de l’énergie, de la discipline. Vous avez sûrement un «bucket list», une liste de choses à faire, d’endroits à visiter avant de mourir. Et qu’en est-il de l’expression de vos talents et de vos désirs d’accomplissement?
Voilà pour l’anxiété liée au rapport tâches versus temps. Par contre, cette nouvelle façon de comptabiliser les années de vie m’apporte un sentiment de satisfaction. Même si nous ne voulons pas que ça s’arrête, avouez que vous avez réalisé beaucoup plus grand qu’espéré. Les enfants et les petits enfants, des voyages, des épreuves surmontées, des promotions et réalisations au-delà de vos attentes au début de votre carrière. Quand on fait le bilan, on ne peut qu’éprouver un sentiment de satisfaction pour le chemin parcouru. La paix intérieure vient aussi du fait de mieux choisir ses combats. La plus grande étude sur les centenaires, Live to 100 (Netflix), fait état des bienfaits à «laisser passer» beaucoup de choses afin de préserver sa santé et gagner en longévité.
Malgré tout, il est possible de ne pas encore tout à fait rassasié de ce qui nous reste à devenir. Cette valse, entre ce qui est vécu et ce que le cœur nous demande de poursuivre au plus profond de l’âme, est à mon avis, ce qui fait partie du privilège de vivre pleinement et de vieillir. Avez-vous vu Janette Bertrand à Tout le monde en parle le 19 novembre dernier? Wouf! 98 ans, allumée comme un flambeau et pleine de projets!
En entrevue avec Oprah Winfrey, l’écrivaine multitalentueuse, Maya Angelou, parlait de chaque décennie comme étant meilleure l’une que l’autre : «je croyais que la cinquantaine était fabuleuse. Mais est arrivée la soixantaine, wow! Mais que dire d’être passé 70 ou 80 ans, la grâce.»
Quand je vais être âgé, je veux être comme Maya et Janette. Pour ça, je crois comprendre que ça commence aujourd’hui, à danser entre être contenté du chemin parcouru, mais encore affamé de l’avenir qui me reste.
Marc André Morel
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