Pas tous à la même vitesse

Une caissière qui est un peu plus lente que les autres, le véhicule qui nous précède qui ralentit tout le trafic, un collègue qui parle plus qu’il travaille, les occasions de nous impatienter devant l’écart de rapidité d’action vis-à-vis nos semblables semblent se multiplier année par année.

Ce qui est scientifiquement prouvé, grâce aux recherches du Dr Carl Jung sur les préférences comportementales des gens (couleurs de personnalité que je présente en entreprise), est qu’il existe environ 70% d’introvertis et 30% d’extravertis. Les premiers s’expriment et se comportent à un rythme plus lent – rien à voir avec l’intelligence. Il est facile de déduire que les 30% d’extravertis, qui agissent et s’expriment avec une plus grande rapidité – sans être nécessairement plus efficients -, seront heurtés dans leur besoin de se comporter selon leur code génétique, c’est-à-dire, impatients, voire même exaspérés, frustrés, choqués, enragés.

Ce qui est mondialement établi est qu’au delà des prédispositions comportementales de chacun, nous avons tous reçus un héritage culturel. Par exemple, un individu ayant grandi sur la côte ouest, à Vancouver ou Portland par exemple, aura un rythme plus lent qu’un new-yorkais ayant grandi et vécu toute sa vie à Manhattan. La dualité « west coast » versus « east coast », décontracté versus agité, existe depuis le début de la révolution industrielle.

Cette vérité planétaire concernant la vitesse du rythme comportementale des individus se témoigne d’une région du monde à une autre, d’un climat à un autre. Les nordiques sont plus rapides que les peuples vivant dans un climat suffoquant de chaleur, pour des raisons évidentes. Cependant, même lorsque sortis de leur environnement climatique, la plupart des migrants adultes gardent le rythme acquis depuis la naissance.

Alors que je visitais certaines îles des Caraïbes, ma voiture taxi à St-Martin fut immobilisée plus de 30 minutes dans une rue. Nous étions toute une file de voitures arrêtées. Personne n’a klaxonné ou rouspété. Devinez ce qui nous avait bloqué tout ce temps? Une conversation entre amis. Oui, le conducteur de la voiture tout en avant s’est arrêté et est sorti parler à son ami pendant 40 minutes. Quand mon chauffeur m’a raconté cela, pur sang de la côte Est nord-américaine que je suis, je ne pouvais le croire. Mais voilà la réalité, la vitesse est bien relative.

Ce dont je suis certain est que nous avons hérité d’une éducation parentale qui a teinté notre caractère et notre personnalité. Avec des parents cools et aimants, qui laissent la place à l’erreur, permettent aux enfants de profiter de leur enfance, de jouer et de se reposer, incluant une sieste si nécessaire, il y a plus de chances de produire de futurs adultes cools, qui ont la patience de faire face à un semblable un peu moins rapide ou plus lent que lui.

Sur un autre plan, sachant que tous ne sont pas au au même niveau d’évolution, de conscience, de compréhension, de compétence, d’intelligence, de jouvence – parce qu’un jour le corps ne suit plus notre intention -, il est inconcevable de présumer que nous serons plus souvent en contact avec des individus de la même vitesse que la nôtre. Une employée sera plus rapide que son collègue pour une tâche donnée, mais moins sur une autre. Sur une course olympique de 100 m, huit coureurs, huit chronos différents.

De plus, lorsque l’on rage contre la lenteur d’un autre automobiliste qui cherche à trouver son chemin ou de l’employé confus et distrait, que se passe-t-il réellement?  Celui ou celle qui vient toucher vos cordes internes et pousser vos boutons, n’était-ce pas vous hier qui lambinait ainsi sur la route, changeait de voie sans signaler, coupait pour prendre une sortie, jetiez un regard sur votre téléphone? L’« autre », qui nous fait tant vibrer en dedans, c’est toujours une partie de soi. La scène est seulement décalée dans le temps.

Tout jugement de l’autre ne dit jamais rien sur ce dernier. Cela ne parle que de celui qui juge, quelqu’un qui a besoin de juger. Celui qui juge vit encore sous un système de menace et de punition. Voilà l’occasion de se pardonner, de guérir et de passer à un autre niveau de conscience.

Notre façon de réagir révèle notre échelle à se maitriser soi-même. Notre évolution personnelle n’a rien à voir avec notre vitesse, supériorité ou différence, mais bien à notre habileté à être ou devenir une personne de qualité. Quelle ironie que d’être témoin de ces voyageurs, venus de pays soit disant civilisés, devenir impunément condescendants, irritables, voire dominants et méprisants, envers des employés de service de restauration ou hôtelier de pays en voie de développement, comme ceux que nous visitons lors de nos vacances. Qui est réellement civilisé ici?

En bout de compte, l’autre, peu importe sa vitesse, c’est toi.

Marc André

Photo: Marvin Ronsdorf

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