Quand quelqu’un croit en vous

Enfant, Marco a tout essayé pour obtenir l’amour et l’attention de son père. Il a travaillé fort pour obtenir les meilleures notes, il a essayé d’être obéissant, il a choisi de bons amis et il s’est toujours efforcé de bien agir.

Il était sensible et timide, si timide qu’il portait toujours des cols roulés. Il se cachait derrière sa chevelure qu’il portait longue, entourant son visage et ses oreilles. Pire encore, Marco était plus petit que les autres enfants. Comme ses bonnes notes lui avaient permis de sauter la deuxième année, il était le plus jeune et le moins grand de tous. On le surnommait « minus » à l’école. Ce n’était rien pour l’aider à prendre confiance en lui.

Les parents de Marco ont divorcé quand il avait huit ans, et on l’a envoyé dans un pensionnat. Six ans plus tard, lui et sa jeune sœur, Sandra, ont déménagé avec leur père et sa nouvelle femme à Saint-Léonard, un quartier de classe moyenne dans le nord-est de Montréal. Marco avait l’impression que son père avait peu de temps à consacrer à lui et à Sandra, partagé comme il l’était entre son travail et sa jeune épouse. Sauf ses demandes pour une liste de travaux autour de la maison les soirs et les fins de semaine, il n’y avait pas de communication entre eux. Il semblait à Marco que les seules fois où son père lui parlait étaient pour exiger des choses ou pour critiquer. Il a commencé à appréhender de plus en plus le moment du retour de l’école.

Marco s’enlisait de plus en plus dans sa faible estime de lui-même et il était dévasté par le sentiment de ne pas être apprécié, d’être incompétent; il était déprimé et fragile. Il se sentait désespérément seul et isolé.

Un jour, son père, qui était déjà fatigué après une longue journée, a trébuché sur la bicyclette de Marco dans le garage. La confrontation épique qui a suivi a donné à Marco l’impression qu’il avait été violé et humilié. Il semblait que, malgré ses efforts, il ne faisait jamais rien de bien. Désespéré, Marco a crié : « Ça suffit! C’est assez! Je vais me suicider. » « Toi? » a aussitôt répliqué son père de façon désobligeante. « Tu n’en as même pas le courage! »

Pendant deux jours, Marco était si malheureux qu’il ne pouvait que penser à mourir pour ne plus avoir à endurer cette grande douleur, ce sentiment accablant de rejet et de nullité. Puis il se disait : « Si je me suicide, jamais je ne pourrai apprécier les bonnes choses de la vie et je ne reverrai plus ma mère, ma grand-mère et ma sœur que j’aime. Elles souffriront terriblement et je ne veux pas les blesser de la sorte. Mais si je ne le fais pas, papa aura raison – et il gagnera. »

En colère, triste et confus, Marco se sentait coincé. Il est retourné à l’école et s’est réfugié dans le silence et l’isolement.

Trois jours plus tard, sa tante lui a téléphoné. Marco a cru que c’était un miracle. Tante Ginette ne téléphonait généralement qu’une fois par année, à son anniversaire. Elle lui a dit qu’elle venait de voir sa fille participer à un concours oratoire, le Gala Personnalité Jeunesse, parrainé par le Club Optimiste – et elle avait pensé à lui. Elle croyait qu’il devrait y participer. Elle lui a dit qu’elle croyait fermement qu’il pourrait performer en public comme d’autres jeunes, puisqu’elle l’avait vu faire des numéros pour la famille à Noël.

Marco était surpris et complètement déconcerté. Lui? Sur scène? Dans un concours oratoire? Accepter serait contraire à sa personnalité si timide. Mais tante Ginette avait tellement confiance. Elle semblait vraiment sérieuse. Elle était certaine que c’était quelque chose qu’il pouvait faire. Elle croyait vraiment en lui. Marco, qui ressentait la confiance de sa tante, contre toute attente, contre tout ce qu’il avait déjà fait ou ressenti, a accepté de se présenter au concours.

Pendant toute la saison de l’hiver 1980-1981, deux fois par semaine après le souper, il prenait trois autobus différents à l’aller et au retour pour un voyage de trois heures afin de pratiquer à Anjou, où le concours devait avoir lieu. Marco avait trouvé une force qu’il n’avait jamais éprouvée avant. Les heures et les obstacles ne comptaient plus. Les critiques de son père et de sa belle-mère sur ses absences pour les corvées à faire après le repas n’importaient plus. Son père désapprouvait ce nouveau rêve, craignant qu’il ne trouve plus le temps de faire ses travaux scolaires, que ses notes diminuent, en plus de son évidente perte de contrôle sur lui. Marco, de son côté, était très performant à l’école et il n’a jamais manqué une journée. Son père l’aimait vraiment et il voulait ce qu’il y avait de mieux pour lui, mais sa propre insécurité le faisait réagir négativement face à tout ce qui pourrait nuire à l’avenir de son fils, projection de lui-même. Même sa sœur l’a aidé à vivre son rêve en s’occupant de la vaisselle les soirs où il était absent; ils s’étaient échangés des « soirs ». Elle n’avait que douze ans, mais elle était très perspicace et généreuse.

Quatre mois plus tard, ce fut le grand soir. Sa mère, sa sœur, sa grand-mère et sa tante Ginette se trouvaient toutes dans la salle. Les neuf autres participants étaient tous plus âgés que lui. Marco était fébrile, mais remarquablement calme pour une première expérience. Bien entendu, il avait des papillons dans l’estomac. Mais lorsqu’il est monté sur scène et a commencé à parler, il s’est senti tout à fait chez lui, totalement en paix, et une certaine sérénité l’auréolait. Il était drôle, vif, et son jeu était très naturel. L’auditoire l’a beaucoup aimé! Il s’est senti énergique et très vivant – comme une vraie naissance, ou renaissance! À son grand étonnement, il a gagné!

Quand il a aperçu le visage de sa mère et ses yeux qui brillaient d’amour et de fierté, il a alors compris qu’il « existait », qu’il était « quelqu’un ». Ce sentiment – tout nouveau pour lui – venait du fait que quelqu’un croyait en lui. Sa tante avait cru en lui. Et sa mère croyait en lui.

Marco, parce qu’il avait gagné, est allé aux finales régionales où il a gagné à nouveau! Son nom était publié dans les journaux locaux et il savait que c’était le début de sa nouvelle vie, et du nouveau Marco. Il a commencé à croire en lui. Sa confiance et son estime de soi ont commencé à grandir. Non seulement croyait-il mériter de vivre, mais il a commencé à réaliser qu’il méritait d’être heureux et respecté. Ce concours a été un moment déterminant dans sa vie.

Maintenant, Marco est l’un des conférenciers les plus populaires du Canada et de la Francophonie, qui aide les gens des quatre coins du monde à donner et devenir le meilleur d’eux-mêmes. Lors de mes conférences, je leur partage l’histoire de Marco. Je leur raconte cette histoire parce que c’est la mienne.

Tout cela est arrivé à la suite d’un petit appel téléphonique, d’une seule personne qui croyait simplement en moi. Grâce à elle, j’ai pu réaliser beaucoup plus que mes rêves. J’ai pu inspirer et rejoindre la vie de milliers de personnes, les aidant, à leur tour, à devenir la personne qu’ils sont censés devenir.

Marc André “Marco” Morel

 

Ce texte est publié dans «Bouillon pour l’âme canadienne» et «Bouillon pour l’âme des Québécois», chez Béliveau Éditeur, et «Chicken Soup for the Canadian Soul», série conçue par Jack Canfield.

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