Trop confortable, ça fait mal

Rouler à vélo, peu importe notre âge, nous procure immédiatement un sentiment de liberté et replonge nos cellules dans la mémoire de notre enfance et adolescence.

Par contre, si vous êtes comme moi, on ne peut pas dire que les inventeurs ont réellement réfléchis au confort. Assis là-dessus ou sur une bûche sur le bord d’un feu de camp relève du même effet au coccyx, n’est-ce pas ?

Pendant que j’attends mon tour au centre de service de ma boutique vélo, un des employés me remarque en train de comparer le siège de mon nouvel hybride avec ceux mis en vente sur le mur. Habitué aux formes presque absentes de la selle de mon vélo de route depuis des années, je m’étonne – et me réjouis – de ce gros paquet coussiné sur ma nouvelle acquisition.

« David, pourquoi est-ce que vous ne vendez pas plus de selles grosses et confortables comme la mienne? »

« En fait, la selle d’origine sur votre nouveau vélo est effectivement de grande dimension, mais vous allez vous rendre compte qu’elle n’est pas réellement confortable. »

« Pardon? »

« Je sais, ça peut sembler bizarre et paradoxal, mais c’est comme ça. Plus la selle est dépourvue de tous ces coussins et efforts pour la rendre soit disant confortable, plus elle crée des obstacles à vos formes corporelles uniques en mouvement, et ainsi créera de l’irritation. »

« Pas croyable! Ça fait du sens! »

« Ce n’est pas tout. Au début, c’est vrai qu’une selle plus rigide sera plus difficile à supporter. Mais en peu de temps, vous allez vous endurcir et vous ne sentirez plus rien. Vous serez vraiment confortable pour tout le reste de la saison. »

« On devient enfin libre! »

« C’est ça! Avec les selles dites « confortables », vous ne finirez jamais par devenir complètement confortable. »

« Wow! Merci David! »

De retour au bercail, je me suis à réfléchir à toutes ces occasions, au travail ou à la maison, où nous recherchons plus de confort, plus de facilité, moins d’efforts. Là où, en fait, nous finissons par nous leurrer, à longue échéance.

Par exemple, éviter de régler un conflit avec un membre de la famille ou de l’équipe, tasser les objets pèles mêles dans le tiroir du bas en s’imaginant qu’on sauve vraiment du temps, ne pas répéter sa présentation, éviter de consulter un coach ou un psy, préférer tourner les yeux devant un article qui pourrait nous aider à avancer, ne pas suivre de nouvelles formations, refuser de d’entendre les commentaires suite à un travail, etc.

Nous sommes toujours rattrapés par nos choix.

Choisissons l’inconfort temporaire d’abord, les bénéfices en sont permanents.

Trop confortable, ça fait mal.

Marc André

Photo: Carl Nenzen Loven

© 2019 Marc André Morel. Tous droits réservés.