Toute opinion n’est pas bonne à dire

Qui n’a pas grandi en entendant l’adage : «Toute vérité n’est pas bonne à dire»?

Il suggère qu’il vaut parfois mieux taire certaines vérités, surtout lorsqu’elles risquent de blesser ou de troubler un équilibre.

Mais inconsciemment, l’opinion d’une personne est devenue pour elle sa vérité. Et lorsqu’elle défend son opinion, ce n’est pas vraiment une idée qu’elle protège : c’est son identité.

Vous l’avez sûrement remarqué : en discutant avec quelqu’un, un désaccord surgit, une tension monte. L’autre devient défensif, parfois agressif. Vous n’avez pourtant remis en question qu’un point de vue. Mais pour lui, vous avez attaqué sa personne.

Le sentiment d’identité découle du mouvement de la pensée. Ainsi, lorsqu’une idée liée à notre façon de penser est remise en question, notre ego réagit comme s’il était menacé. Qu’il s’agisse de politique, d’éducation, de religion, ou du choix d’un véhicule électrique ou à essence, chacun a une opinion — et en fait inconsciemment sa vérité.

Imaginez qu’il existe trente-cinq grands sujets sur lesquels nous pouvons avoir une opinion. Même avec votre meilleur ami — celui qui partage vos valeurs, vos goûts, vos croyances — il est impossible d’être d’accord sur tout. Certaines de ses positions vous hérissent peut-être le poil, au point d’éviter certains sujets ou certaines rencontres pour préserver la paix.

Car l’ego adore le conflit. Il suffit d’une petite braise pour enflammer un incendie intérieur. Votre mental s’en empare, active les émotions — et voilà que vous perdez votre paix.

Pour votre santé mentale, physique et relationnelle, il est sage de choisir vos combats.

Avoir des opinions différentes entre amis ne vous fera pas perdre votre maison.

Les conflits d’idées au travail sont sains et bénéfiques. Mais, concernant vos opinions personnelles, être constamment en opposition avec vos collègues, partenaires ou clients finira par vous isoler.

Aucun de nous ne peut évoluer seul — même si notre ego tente de nous convaincre du contraire. Lorsque viendra le moment de collaborer avec vous, vous risquez de ne pas bénéficier du plein engagement des autres.

Et même si tout fonctionne en apparence, votre expérience humaine perdra en qualité. Le plaisir, rappelons-le, demeure une valeur essentielle au travail comme dans la vie.

Se taire ne signifie pas que vos opinions personnelles n’ont pas de valeur. Elles comptent.

Mais il importe de choisir à qui et quand les partager. Non par peur d’être différent ou mal compris, mais parce que vous ne contrôlez pas la manière dont elles seront reçues.

Même formulée avec douceur, une opinion risque de créer chez l’autre un sentiment d’attaque personnelle — non pas à cause de vous, mais à cause de ce qui se passe en lui.

L’histoire humaine regorge d’exemples tragiques de cette dynamique.

Depuis des siècles, des millions d’êtres humains se sont entretués pour des questions identitaires : religion, modèle politique, couleur de peau, valeurs, croyances.

Les guerres modernes ne sont plus territoriales ; elles sont idéologiques.

Elles naissent de la pensée, car l’identité est liée à la pensée.

Et dès qu’une idée associée à cette identité est menacée, le corps et l’émotion réagissent comme à une agression physique.

Chez les plus inconscients, cela mène à la violence.

Chez les plus conscients, cela devient une occasion d’observer, de respirer, de se rappeler que je ne suis pas mes pensées.

L’évolution de la conscience humaine n’est pas terminée.

L’humanité demeure une œuvre en cours.

Et chacun de nous participe à cette évolution en apprenant à reconnaître que nos opinions ne sont pas notre identité, qu’elles peuvent être partagées, écoutées ou tues sans que cela menace notre valeur.

Une opinion n’est pas toujours bonne à dire.

Mais chaque silence choisi en conscience devient un pas vers la paix intérieure — et, qui sait, vers une humanité un peu plus consciente.

Marc André Morel

 

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