«Y é tu fin?»
Pour les Québécois et Canadiens de langue française, cette question nous est familière. À vous, francophones du reste du monde, elle se traduit par : « Est-il gentil? ». Cette question est fréquemment posée à la fin d’une anecdote évoquant une rencontre avec une célébrité, par exemple. Si la gentillesse est si importante qu’elle le semble, pourquoi est-elle si rare et si peu valorisée dans nos vies collectives?
D’abord, l’indice de civilité est à un niveau aussi inquiétant que la calotte glacière. Si on ne se prend pas une porte de commerce en plein visage, on se fait prendre un siège ou une place de stationnement. L’égoïsme a pris la pole position, et oust les humains avec encore un peu d’humanité!
Comme à l’habitude, j’aidais la caissière du supermarché à emballer mon épicerie. Non seulement étions-nous deux à le faire, nous étions en mode accélérés, conscients des autres clients derrière. J’en profite toujours pour complimenter et tenter d’égayer l’employé.e au travail monotone, en m’intéressant à son travail, son pays d’origine, sa vie étudiante, ou tout ce qui vient naturellement afin qu’il ou elle puisse se sentir bien pour un moment.
Tout à coup, je reçois le panier du client derrière moi, à 10 cm de mes mollets. Je me retourne et je vois cet homme qui fulmine, avec un air belliqueux, les hanches en position d’exaspération, telle une gamine de 12 ans qui méprise son parent.
Cet homme, c’est l’archétype du niveau relatif de qualité des relations humaines, dans une grande ville, en 2021. Imaginez le niveau d’étroitesse d’esprit et de narcissisme profond qu’il en faut pour choisir d’agresser physiquement et psychologiquement un membre de sa communauté, afin d’assouvir sa propre suffisance égotique.
Car il n’y a aucune logique dans son comportement. Au lieu de faire le prince – comme plusieurs font – et laisser l’emballeur ou la caissière remplir mes sacs, j’aidais. Le fait que l’on parlait est un avantage pour lui, car il aura un contact avec une employée plus heureuse, avec tout ce que cela comporte au niveau de l’expérience et de la performance.
Être gentil, ce n’est pas sexy. Très certainement pas à la mode. La perception est que l’on perd du temps. Et que l’on est mou. La gentillesse est une force de caractère, pas une faiblesse de caractère. Elle est contagieuse. Et elle s’enseigne. Un garçon et son père sont entrés dans le même ascenseur que moi. En entrant, le père dit à son fils : « On dit bonjour… ». Il m’a regardé et m’a tendrement dit, « Bonjour ». J’ai tout de suite félicité l’homme pour sa rigueur. Parce que la gentillesse, ça se passe grâce aux valeurs. Avec amour. Et avec discipline.
Depuis 12 ans, le centre de santé scandinave près de chez moi, Strøm Spa, recrute de jeunes femmes et hommes de 18 à 25 ans, pour accueillir et servir leurs nombreux clients. En plus d’une décennie, j’en ai vu passer des dizaines. Ils sont tous… gentils. Remarquablement gentils. Et tous de la nouvelle génération « Z », vous me suivez?
La gentillesse est très payante pour une organisation, mais très peu valorisée. Elle voyage aussi dans tous les sens – avis aux gestionnaires et leaders concernés. Comme le disait Dale Carnegie, le père des relations humaines, on n’attire pas les abeilles avec du vinaigre.
Comme Mère Teresa le disait elle-même, lorsque tu es gentil, on peut t’accuser d’être égoïste et d’avoir des arrière-pensées. Sois gentil quand même.
Marc André
Photo : Clay Banks
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