Qui pleure vendredi rira dimanche

Ce proverbe, «Qui pleure vendredi rira dimanche», à quelques degrés de sémantique près de l’original, n’est pas utilisé autant qu’il le fut par nos aïeuls. Sa vérité n’en est pas moins secouée.

Lors d’une journée difficile à la maison ou au boulot, il n’est pas rare que la douleur disparaisse en soirée ou le jour suivant. Pour les journées encore plus difficiles, personnellement, je me plais à désamorcer la situation en me répétant que cela a été «toute une semaine aujourd’hui»!

Tout en léchant mes plaies, peu importe l’incident, le proverbe me revient à l’occasion. C’est encore plus romantique si nous sommes effectivement en fin de vendredi et que je cherche à chasser de mon mental la vidéo en boucle du scénario responsable de ma souffrance bien humaine. Le «dimanche» finira en effet par dévoiler une tenue beaucoup plus accueillante.

L’avantage d’avoir accumulé des années d’expérience par décennie est que, malgré le quart d’heure désagréable à passer, je peux utiliser mon trésor de souvenirs comme vecteur de bien-être, car je sais que ça va passer.

Tout finit par passer. Même une pandémie. Bien qu’il s’agit d’un des plus longs «vendredi» que cet adage ait connu, il n’en demeure pas moins que notre «dimanche» va arriver. Le Grand Calendrier des Grands Cycles de la Vie ne ment pas. C’est mathématique. Pourquoi ne pas profiter du temps qui reste, avant de pouvoir vivre sans masque et distanciation, pour ajuster nos attitudes au moment présent?

Enlever son masque avant ce symbolique dimanche ne fait pas arriver dimanche plus rapidement. La seule chose que nous pouvons contrôler entre vendredi et dimanche est notre manière d’être. Quel genre de personne est-ce que je choisis de devenir? Quelles sont les forces de caractère que je souhaite dévoiler au monde?

Parce que se peinturer dans un coin en se disant « Quand ça va revenir à la normale…», c’est abdiquer sur ses qualités humaines, celles dont nous avons hérité des milliers de générations d’homo sapiens qui ont connu et survécu les plus grandes misères du monde afin de nous transmettre cette force d’adaptation. Imaginez un de vos ancêtres de 200,000 ans. Que se dirait-il face à votre savoir-être depuis un an? Serait-il fier de s’être battu d’ingéniosité, de courage et de résilience, en chassant et cueillant à moitié nu, tout en dormant à la belle étoile, en proie à des dizaines de menaces bactériennes et de la faune?

Chose certaine, la seule façon de se sortir d’une situation, c’est de rentrer dedans. C’est ça, rentrer pour mieux en sortir!

Au final, ne faisons pas comme le valeureux co-fondateur de Montréal, Paul Chomedey de Maisonneuve. Il y tenait à cette ville, et lors de la grande inondation, homme pieux qu’il fut, il implora Dieu de cesser ce déluge. En contrepartie, il allait grimper le Mont-Royal avec une grande croix de bois sur ses épaules et la planter au sommet de la montagne. Ce qu’il fut.

Pauvre Paul, il nous aura donné une ville, une croix et une leçon, car il n’avait qu’à concentrer ses forces sur ce qu’il contrôlait pendant les pluies et laisser «dimanche» se présenter. Nous n’avons pas toujours besoin de porter notre croix.

Qui pleure vendredi rira dimanche.

Marc André

Photo : Tyler Nix

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