Solidarité élastique

L’humain est une bête complexe. Tout sauf linéaire. Un de nos angles morts est notre propension à croire une chose et son contraire. Et à porter nos actions en conséquence. Ce qui rend notre défense inconciliable.

Qui n’a pas été coupable de contradictions? En fait, la vraie question est : connaissez-vous quelqu’un qui ne s’est jamais retrouvé dans le flou de contradictions face à ses valeurs, croyances, actions? Se vanter de suivre un régime alimentaire, mais avoir une rechute de sucre – ou trois – par semaine, prétendre être un non-fumeur, mais fumer en cachette, mépriser ceux qui conduisent les yeux et la main rivés sur leur téléphone alors qu’ils le font eux-mêmes. Vous voyez ce que je veux dire?

Pendant l’hiver et le printemps 2020, les incantations de solidarité pour unir nos forces et notre moral collectifs afin de passer à travers la première pandémie mondiale vécue en notre ère, étaient à leur comble. Des milliers d’arcs-en-ciel dessinés de menues mains d’enfants privés de leurs enseignants préférés ont décoré affectueusement le paysage terne d’un printemps interminable, qui voyait souffrir et mourir nos aînés.

Il y a à peine quelques semaines, on se faisait encore des cœurs avec nos deux mains, en répétant notre mantra camouflant nos désarrois : « Ça va bien aller ». Des villages européens tout entier ont chanté et applaudi leur personnel hospitalier. Des usines de boissons alcoolisées se sont transformées en usines de gel sanitaire, des millions de masques ont été fabriqués de façon artisanale par des couturières improvisées et dévouées aux yeux cernés. Des médecins spécialistes se sont suicidés face à l’horreur de la mort-à-la-chaîne. Ces élans de solidarité aidaient à faire passer la pilule d’une perte d’emploi, de revenus, voire de toute son entreprise.

En quelques jours, la danse de la distanciation masquée est passée à un retour qui ressemble à l’ancienne normale. Est-il nécessaire de vous faire un dessin? Vous êtes témoins des mêmes scènes que moi. La (soi-disant) solidarité a finalement été démasquée! En entrevue à CNN, une Américaine a invoqué la Charte des droits et libertés. Elle veut qu’on la laisse tranquille, elle veut pouvoir se rapprocher des étrangers, sans son masque, comme elle l’entend. Voilà ce que 8 milliards d’humains veulent aussi milady! Mais n’est-il pas aussi inscrit dans la « Charte » que la liberté de l’un s’arrête où débute celle de l’autre?

En général, l’égoïsme l’emportera toujours sur nos élans primitifs et de bonne conscience sociale éduquée portée vers le bien-être collectif. L’instinct de survie est plus fort que nos élans de solidarité, aussi bien intentionnés qu’ils soient.

Mais en pandémie, mon instinct de survie devrait passer par mon respect des mesures sanitaires, non? Tout à fait! Voilà un exemple flagrant de contradiction entre nos valeurs et nos instincts, notre logique et notre émotif, nos décisions et nos habitudes.

En somme, si ma solidarité est élastique lorsqu’il s’agit de vie ou de mort, qu’en est-il de mon esprit d’équipe, de mon engagement envers mes coéquipiers et mon employeur? De mon union amoureuse? De mon éthique de citoyen? Je me souviens du fabuleux monologue de l’humoriste québécois, Patrick Huard, alors qu’il jetait la lumière sur notre honnêteté (élastique) en nous faisant dégringoler d’individu honnête à «crosseur» honnête. À (re)voir!

Quoiqu’il en soit, il importe d’en être conscient et de réviser nos actions, au besoin. Mais surtout, nous avons le devoir de nous pardonner lorsque nous nous dévoilons en position de contradiction. Dans le but de nous aider à réduire notre flou, ne pas hésiter à choisir nos combats, ceux que nous souhaitons mener jusqu’au bout, invariablement des tendances et influences sociales. Ainsi, choisir et remplir des mandats d’exécution d’une mission qui nous appartient, qui nous ressemble et qui nous fait du bien.

Oui, j’ai la solidarité élastique à l’occasion. J’en suis conscient.e. Je me pardonne.

Marc André Morel

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