Sur la route d’un conférencier No7 – Chicago

C’est vendredi soir, j’arrive à la maison après une semaine de séminaires publics à raison de six heures par jour dans dix villes différentes. Heureux de rentrer, je suis à plat. Lundi midi, on m’appelle du siège social pour me demander de remplacer, in extremis, un collègue pour terminer la formation de deux jours sur la résolution de conflits dans une usine de fabrication de pare-chocs de camions à Chicago. Je dois quitter cet après-midi! Impulsivement, j’accepte.

Lundi en fin de journée, je suis dans l’avion pour l’aéroport O’Hare à Chicago, un des plus gros au monde. En sortant du terminal, je suis d’abord intimidé par la monstruosité de ce bâtiment qui ressemble à un ovni.
Mais là, j’ai encore plus sérieux à gérer. Il est passé 20 heures, je suis à l’extérieur et je fais les cent pas pour tenter de passer mon stress soudain. Je viens de réaliser que j’ai accepté ce contrat trop vite : mes cartes de crédit sont remplies suite aux deux semaines passées dans les hôtels et les restos. C’est la catastrophe. Mon cœur monte et descend dans ma poitrine. En zappant mon cerveau à la recherche de solutions, je décide de retourner à l’intérieur pour me calmer et réfléchir. Intuitivement, je marche loin des portes automatiques pour me rendre dans un coin isolé de l’aérogare, où je me retrouve seul, piétinant nerveusement sur place. Je sens que je suis coincé : je n’ai pas d’argent pour le taxi, ni pour l’hôtel et l’usine, qui sont à trois heures de route. Et retourner chez moi veut aussi dire la fin de mon contrat avec mon partenaire principal. Mon visage est comme mon corps : crispé et angoissé.
Soudain, une voix se fait entendre derrière moi et l’homme qui apparait me demande en s’approchant doucement : « Are you OK?… Do you need transport? ».
Cet homme était manifestement du type empathique, avec son regard doux et rempli de bienveillance. Habillé simplement, c’était un chauffeur de limousine. On aurait dit qu’il sentait que quelque chose n’allait pas pour moi. Et il voulait m’aider. Je lui ai raconté mon histoire. Il m’a écouté et simplement indiqué de le suivre, qu’on allait régler ça. En le suivant, je me sentais comme un zombie, les émotions gelées par la peur. Je me disais qu’il n’avait sûrement pas bien compris ma situation. C’était une course de 300 km, soit environ 250 dollars américains.
En m’assoyant derrière, dans sa spacieuse Lincoln de quelques années, je me suis senti à la fois soulagé et en sécurité. Il m’a demandé si j’avais des chèques. J’en avais, mais je débutais mes affaires et lui ai indiqué que je devais facturer mon client pour les deux semaines de travail à mon retour. Il m’a calmement proposé de le postdater. Il était d’une gentillesse… Et cette apparition dans cette section cachée de l’aérogare… on aurait dit un ange gardien. Du moins, ce jour-là, c’est ce qu’il a été pour moi.

Marc André Morel

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